avril 19, 2024

Natalie Portman incarne Julianne Moore dans un film sur l’obsession et l’abus.

LEONARDO SANCHEZ
CANNES, FRANCE (FOLHAPRESS) – Les deux cinéastes anglophones qui ont déjà présenté leurs postulants à la Palme d’Or de cette année sont, au moins en cette première semaine, ceux qui ont projeté les œuvres les plus dérangeantes de la sélection du Festival de Cannes.

Si le Britannique Jonathan Glazer terrifie le spectateur par le pouvoir de la suggestion, en mettant en scène une famille qui partage le mur du camp de concentration d’Auschwitz dans « La Zone d’intérêt », l’Américain Todd Haynes fait le chemin inverse en s’esquissant et en ne se prenant pas au sérieux dans « May December », projeté ce samedi (20).

Non que son film aborde des thèmes banals. C’est un labyrinthe dans lequel le spectateur se perd parfois, mais finit toujours par trouver un dilemme moral. Les abus sexuels et psychologiques, les relations de pouvoir, le consentement et l’obsession sont traités avec débauche, sans que Haynes ne les rabaisse.

Dans l’histoire, Natalie Portman joue une actrice qui décide de suivre le quotidien de la femme qu’elle s’apprête à incarner dans un film indépendant. Cette dernière, interprétée par Julianne Moore, semble d’abord être une femme au foyer banale, qui n’a pas grand-chose à offrir à un scénariste. Jusqu’à ce que son mari entre en scène.
On pense d’abord qu’il s’agit de son fils, car son âge est plus proche de celui des adolescents qui se promènent dans la maison que de celui du personnage de Moore. Mais ils ne tardent pas à s’embrasser, ce qui permet au spectateur de comprendre pourquoi ces personnes sont des personnages publics.

L’actrice Portman est là pour comprendre la romance qui, il y a deux décennies, a fait la couverture des tabloïds parce qu’elle impliquait une trentenaire et un adolescent. Son arrivée, bien sûr, bouleverse la paix apparente de ce foyer qui, en vérité, pourrait imploser à tout moment.
Haynes raconte l’histoire sans ménagement. « May December » est un film beaucoup plus proche de l’expérimentalisme de « Velvet Goldmine » de 1998, qui a marqué ses débuts à Cannes, que de ses œuvres ultérieures, plus formelles – « Le prix de la vérité », « À bout de souffle » et « Carol », qui lui a valu la Palme Queer en 2015.

Comme dans ce dernier, il a dans le rôle principal deux actrices d’une puissance exceptionnelle, mais qui sont plus au service d’un humour mordant que du mélodrame romantique qu’offrait le film lesbien.
« May December », outre la relation intime entre les protagonistes féminines, recycle de « Carol » les images granuleuses et fortement texturées qui lui donnent le visage d’un film d’époque. Et, une fois de plus, il utilise une bande sonore forte pour interrompre les images sans cérémonie, avec des accords d’une émission policière des années 1990.
La liaison interdite autour de laquelle tourne l’intrigue est en effet un fruit de cette décennie, plus permissive, mais pas tant que ça. L’allusion à l’époque permet aussi à Portman d’exagérer dans les visages et les bouches lorsqu’elle tente d’incarner l’autre personnage.

Elle teste à son tour les limites morales du spectateur sous un autre angle, en mettant l’industrie cinématographique elle-même et les célébrités qui se pressent à Cannes sous la loupe. Moore et Portman se complètent tout au long du film, mais c’est cette dernière qui finit par voler la vedette, passant de la plaisanterie à l’arrogance, de son propre personnage à celui de sa collègue.

Haynes tente de remporter la Palme d’Or pour la cinquième fois. « May December » ne semble pas avoir l’étoffe pour y parvenir, mais il est difficile de penser que le film quittera la Côte d’Azur les mains vides.

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